Tous les voyages se terminent. Quand on est un enfant on ne le sait pas. On monte dans une voiture avec son seau et ses sandales, et c’est parti pour deux semaines à la mer, et on ne pense pas que l’été aura une fin.
Puis le temps fait son travail et on apprend à compter soi-même les nuits qu’il reste. Combien de fois dormir? On sait alors que demain c’est le chemin de retour, puis ce sera l’école, encore? pourquoi? Et on découvre l’angoisse de la nuit d’avant.
Et puis on comprend que chaque nuit est la nuit d’avant quelque chose. Que papa retourne au travail, que c’est lundi, que c’est le dernier show, que c’est fini, demain. Que chaque nuit est la dernière nuit du voyage de quelqu’un, de celui qui revient de la mer, ou de celle qui part demain vers ailleurs, ou vers nulle part.
Un jour quelqu’un nous ment et nous dit que mémé est partie au ciel et que c’est un très long voyage. Alors on regarde encore un peu le ciel en cherchant un signe. Parfois on le trouve et c’est bien, mais on sait déjà qu’il n’y aura plus que ça. Parce que la dernière nuit avant le ciel, c’est vraiment la dernière. On comprend que ça vaut pour tout le monde. Et on découvre l’angoisse de chaque nuit, l’angoisse du temps, la peur.
Qui part demain? Pour où? Qui va revenir?
Un jour on se dit “c’est de plus en plus souvent”. C’est de plus en plus proche. C’est un parent qui part vers le ciel, un mari, un enfant. On comprend que chaque jour est un voyage auprès de ceux qui comptent, et que chaque nuit est un cadeau. Que l’ensemble est une somme de tout ça, et qu’on a de la chance d’encore voir le matin. Que rien n’est à nous, et que chaque respiration est un pas vers autre chose, ou vers plus rien.
Tout ça, ça vaut pour toi, pour moi, pour vous. Aujourd’hui je sais que tous les voyages se terminent, et j’ai toujours aussi peur. De le, te, vous perdre un soir, après un jour à la mer.
Et pourtant je voyage encore, tous les jours, jusqu’au dernier.
Caribou 